Xavier Guesnu

Je ne peins pas. Je ne sais pas ce qu'est aimer la peinture. Je ne peins pas. J'aime juste la vélocité du trait et son reflux patient. Je ne sais pas peindre. Il faut simplement que la peinture ait mal, tous les jours, pas que le dimanche. Les couleurs comme de la viande saisie, jusqu'au trop. Papier de verre, abrasion des douleurs. Je ne peins pas. Maintenant, j'imagine la silhouette qui effleure le tableau du regard sans s'arrêter. J'imagine les visiteurs, la peur. J'aime que toi qui peins me dise quelque chose de toi qui as mal. J'aime que moi qui regarde te dise quelque chose de moi qui ai mal. C'est bien d'avoir mal. Comme il n'y a pas de mal à se faire du bien. Il n'y a aucune honte à cela. Aucune. Couleurs vives, couleurs plaie. Par exemple, toi, tu nages, maladroit, les bras en ébat, en débat, tu nous regardes, tu dis la coulée, tu dis l'apnée avant la mort, tu as mis ton maillot rouge – il paraît que ça ne se fait pas de mourir nu(e), au moins porter un maillot, rouge de préférence. L'enfant au bord de l'eau dit à sa mère « maman, regarde la fusée », c'est toi, un souvenir à la vitesse de la lumière, ton bonnet aussi est rouge, mais pas très bien mis, un peu déhanché, oui, un bonnet déhanché, un tableau bancal. Un tableau biarrot. Peindre les décalages, peindre pour dire, pour raconter, pour te parler et pour que tu me parles, toi, assise, assis, deboute, debout. Je t'imagine passant une main sur le tableau et y laisser un peu de ce que ta bouche et ta langue viennent d'aimer. Un cristal d'huître. Tu entends ? Tu m'entends ? Oui ?

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